La réforme fiscale prévue dans le cadre du Projet de Loi de Finances (PLF) 2025 s’attaque, entre autres, aux micro entrepreneurs, c’est à dire aux travailleurs indépendants. Et cette fois, c’est par l’abaissement du seuil de la franchise en base de TVA à 25 000 € de chiffre d’affaires annuel que le gouvernement leur porte un coup dur.
Fini l’exonération qui permettait à de nombreux auto-entrepreneurs, artisans, créateurs, agents commerciaux en immobilier et freelances de maintenir des prix compétitifs. Dès le premier euro au-delà de cette limite dérisoire, les micro entrepreneurs devront facturer la TVA à leurs clients ou amputer leurs revenus s’ils/elles ne veulent pas augmenter les prix.
Derrière ce seuil réduit se cache une réalité brutale : une hausse automatique de 20 % des prix pour ceux qui ne pourront pas absorber cette nouvelle charge ou bien 20% de moins dans les revenus directs pour ceux qui ne voudront pas pénaliser les consommateurs. Mais qui en pâtira le plus ? Les micro entrepreneurs eux-mêmes, mais aussi les consommateurs et usagers.
Le gouvernement suspend la baisse du seuil de la TVA pour les micro entrepreneurs “pour l’instant” (MàJ du 7/02/2025)
Suite à la mobilisation, notamment des premiers concernés, les autoentrepreneurs, et des député·es du Nouveau Front Populaire (NFP), il y aura un peu de répit pour ces travailleuses et travailleurs indépendant·es. En effet, le ministre de l’Economie a annoncé, ce 6 février 2025, “suspendre temporairement” la mesure controversée de l’abaissement du seuil de la franchise en base de TVA le temps de concertations avec les instances représentatives des micro-entreprises.
Etant donné qu’il s’agit d’une suspension temporaire et que les négociations prendront le relais suite à cet essai brutal d’une réforme injuste, il est important de rester vigilant·e. Ainsi, la suite de ce billet reste toujours valable pour tous les micro entrepreneurs ainsi que les consomateurs·trices.
Une attaque directe contre les travailleurs indépendants
Une partie des professionnels de l’immobilier sera parmi les premières victimes. Vous les connaissez sans connaître leur statut. La plupart des conseillers en immobilier, agents ou mandataires immobiliers sont des travailleurs et travailleuses indépendant·es, bref des micro entrepreneurs. En clair, ils/elles sont indépendant·es tout en étant lié·es par un contrat avec une agence immobilière ou un réseau de mandataire et obéissant à pratiquement tous les principes du salariat. En soi, il s’agit d’un “salariat déguisé” et des agences et autres sociétés du secteur ayant recours à ce genre de pratiques en usent et abusent sans limite.
Dans un secteur déjà soumis à une pression économique forte, où la concurrence entre les agences immobilières, mais aussi à l’intérieur des agences, est féroce, ce changement risque de condamner de nombreux·euses indépendant·es à la précarité ou à l’arrêt d’activité. Comment un agent immobilier indépendant, réalisant un chiffre d’affaires modeste mais suffisant pour vivre, pourra-t-il survivre si ses revenus sont amputés de 20% comme ça d’un coup ?
Je parle, plus aisément, des professionnels de l’immobilier indépendants car j’en faisais partie pendant longtemps et c’est le secteur dans lequel j’évolue. Mais, ce ne sont pas les seuls concernés. Graphistes, photographes, artisans, créateurs et créatrices, développeurs web, créateurs de contenus… Près de 250 000 micro entrepreneurs qui nourrissent l’économie locale et l’innovation, qui essaient de créer une activité pour subvenir aux besoins de leur famille, qui tendent à proposer de l’authenticité à leur clientèle et leurs usagers, ils/elles paieront le prix fort.
“Un deux poids, deux mesures” indécent pour les micro entrepreneurs
Pendant que l’État serre la vis aux plus petits acteurs économiques, qui sont avant tout, malgré leur statut, juste des travailleurs et travailleuses, il refuse obstinément d’imposer des contributions supplémentaires aux plus grandes fortunes.
Les grandes entreprises et les actionnaires échappent toujours à une taxation équitable sur leurs dividendes et profits financiers. Les multinationales et les haut-revenus et patrimoines continuent de jongler avec l’optimisation fiscale, pendant que les indépendant·es, eux et elles, n’ont d’autre choix que de subir ou de fermer boutique.
Vers une précarisation généralisée des micro entrepreneurs
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Derrière cette réforme, c’est tout un modèle économique qui est fragilisé. L’auto-entrepreneuriat, vendu ces dernières années comme un levier d’émancipation et de flexibilité pour ceux qui veulent travailler autrement, se transforme progressivement en un piège fiscal. À quoi bon encourager la création d’entreprises si l’État, au service du patronat, vient ensuite ponctionner chaque euro dès que l’activité commence à décoller ?
Il s’agit d’encore une mesure dont le seul objectif est, une fois de plus, de privilégier ceux qui ont déjà tout, au détriment de ceux qui essaient simplement de s’en sortir, comme c’est le cas pour l’immense majorité des micro entrepreneurs.
Auto-entrepreneurs doivent cesser de croire qu’ils sont du côté des puissants !
Néanmoins, l’occasion est propice pour que je revienne sur un autre point, aussi important.
Combien d’auto-entrepreneurs s’imaginent encore être du même monde que les grands patrons, les cadres dirigeants et les investisseurs ? Combien se sentent « à part », convaincus d’être dans un entre-deux entre le salariat et l’élite économique, alors que cette réforme leur prouve exactement le contraire ?
La vérité, c’est qu’un développeur freelance, une créatrice de bijoux, un mandataire immobilier indépendant ou un artisan n’ont rien en commun avec un chef d’entreprise du CAC 40. Ils partagent bien plus de points communs avec une salariée du nettoyage qui enchaîne les heures ou un ouvrier à l’usine, car elles et eux aussi doivent se battre chaque mois pour un revenu digne. Ils subissent les mêmes hausses de charges, les mêmes difficultés d’accès aux aides sociales et les mêmes mépris de la part d’un gouvernement qui protège toujours les mêmes : ceux qui possèdent déjà tout.
Une illusion entretenue par le discours dominant
Si tant d’auto-entrepreneurs s’imaginent appartenir au « monde des entrepreneurs », c’est parce que tout est fait pour les convaincre qu’ils en font partie. Depuis des années, les discours politiques et médiatiques glorifient l’indépendance, la liberté du travailleur autonome, l’audace des micro entrepreneurs, et leur vendent le rêve du succès individuel. Mais quelle est la réalité des micro entrepreneurs ?
Les actionnaires et patrons, ceux qui parasitent le travail d’autrui, n’ont pas à s’inquiéter d’une baisse du seuil de TVA ou de quelconque mesure budgétaire.
Ce ne sont pas eux qui vont voir leur activité menacée par une augmentation soudaine de 20 % de leurs tarifs et/ou par une baisse de leurs revenus de 1/5. Ce ne sont pas eux qui doivent calculer au centime près pour ne pas dépasser un seuil fiscal qui les plongerait dans une précarité encore plus grande. Ce ne sont pas eux qui doivent tout gérer seuls, de la prospection à la comptabilité, sans la moindre protection en cas de coup dur : pas de retraites, pas de chômage et pour beaucoup pas de prévoyance ou même de mutuelles santé.
Un choix à faire pour les micro entrepreneurs : s’unir ou se faire écraser
Les auto-entrepreneurs doivent ouvrir les yeux : ce combat n’est pas le leur seul, c’est celui de l’ensemble du monde du travail. Ce sont les mêmes qui attaquent les salaires, qui détruisent les droits sociaux et qui ponctionnent les petits entrepreneurs tout en protégeant les grandes fortunes. Tant que les indépendants croiront qu’ils font partie du camp du patronat, ils continueront de se faire broyer sans comprendre pourquoi.
Il est temps de choisir son camp. Se mobiliser aux côtés des salariés, des précaires, des travailleurs et travailleuses qui, chaque jour, créent la vraie richesse de ce pays. Car seuls, isolés, divisés, les micro-entrepreneurs n’ont aucun poids face aux décisions qui les écrasent. Mais ensemble, ils peuvent être une force immense, capable de peser sur l’avenir.
Ne comptez pas sur les organisations corporatistes des auto-entrepreneurs qui ne défendent qu’elles-mêmes. Comme toutes les travailleuses et travailleurs de ce pays, montez les collectifs locaux, rapprochez-vous des organisations du monde du travail, des organisations syndicales et ORGANISEZ-VOUS.
Le gouvernement vient de vous envoyer un message clair : vous n’êtes pas du côté des puissants et les micro entrepreneurs ne font pas partie du patronat. Et il est temps de répondre avec l’ensemble du monde du travail.