Fiabilité DPE Diagnostic de Performance Energétique: pourquoi tant de haine ?!
- mars 6, 2024
- Envoyé par : Rédaction Garage&Grenier
- Catégories: Actualité immobilière, Analyse et débat, Diagnostics immobiliers
La fiabilité DPE, Diagnostic de Performance Energétique, suscite tellement de débats dernièrement que, mis à part CNews, tout le monde oublierait presque tous les bouc émissaires habituels. La récente réforme du DPE et des modes de calcul aurait dû nous proposer une image plus précise et claire de la situation énergétique concernant notre habitat. Mais les résultats ne sont pas au gout de tout le monde. Explications.
Le débat actuel au tour de la fiabilité DPE, de quoi s’agit-il ?
Le diagnostic de performance énergétique (DPE) est au cœur d’un débat qui oppose les professionnels de l’immobilier, les pouvoirs publics et les diagnostiqueurs immobiliers. A cette bataille se sont récemment jointes les associations des propriétaires-bailleurs.
En effet, d’une part la fiabilité DPE est remise en cause par plusieurs études et témoignages, qui pointent des écarts importants entre les résultats des diagnostics et la réalité de la consommation d’énergie des logements.
D’autre part, le DPE mais aussi l’ensemble des mesures en faveur de la rénovation énergétique sont remis en cause par les bailleurs institutionnels et privés. Ces derniers, notamment propriétaires des logements qualifiés de “passoires thermique”, craignent la réglementation leur imposant la remise aux normes énergétiques de leurs logements.
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Plusieurs études, plus ou moins fiables, remettent en cause le Diagnostic de Performance Énergétique
En général, les détracteurs du DPE sont friands des cas particuliers dont ils font une généralité. C’est d’ailleurs souvent le cas lorsque la fiabilité DPE est attaquée au parlement par certains députés. Ils vont évoquer le cas d’un tel ou d’une telle dont le DPE serait pénalisant.
A côté des habituelles contre-vérités et autres affirmations sans fondement du ministre de l’économie, Brune Lemaire, l’un des derniers exemples en date est l’intervention de Annie Genevard, élue de la 5e circonscription de Doubs. Cette députée LR, dans l’une des questions pour le gouvernement le 30 janvier dernier, affirme que “beaucoup d’entre eux (propriétaires), après avoir isolé et rénové leur logement énergivore, obtiennent de manière incompréhensible des étiquettes E ou F”.
Bien entendu, nous pouvons difficilement apprécier le contexte des faits relatés par ce type d’accusations, sans davantage de détails, comme l’explique assez justement cet article de Quotidiag.
Clairement, le débat fait rage et on y trouve d’absolument tout : des attaques contre le DPE et des critiques à l’encontre des diagnostiqueurs immobiliers eux-mêmes. Finalement, on hésite plus de remettre en cause purement et simplement des mesures à vocation environnementale.
Cependant, certaines enquêtes et études sont à prendre en compte même si leurs résultats peuvent être interprétés différemment en fonction de la position que l’on souhaite défendre.
L’enquête de UFC-Que Choisir sur le Diagnostic de Performance Energétique
Une étude menée par l’association de consommateurs UFC-Que Choisir en septembre 2022, sur un échantillon de 34 diagnostics réalisés sur 7 maisons, révèle un écart considérable d’un diagnostiqueur à l’autre. En effet, sur ces 7 maisons, l’association a fait réaliser les diagnostics par différents professionnels, tous certifiés et référencés sur un site officiel gouvernemental. Seule une sur ces six maisons s’est vue attribuer la même catégorie énergétique par tous les diagnostiqueurs. Le cas le plus marquant étant le bien dont la catégorie jonglait entre B et E. Un écart qui échapperait à toute explication rationnelle et mettrait un sérieux doute sur la fiabilité du DPE.
L’étude révèle également que le DPE est influencé par le mode de chauffage du logement, qui peut faire varier la note de plusieurs lettres, sans pour autant refléter la performance énergétique réelle du bâti. Ainsi, pour une seule et même maison, les estimations de consommation énergétique, entre la plus basse et la plus haute passent quasiment du simple au triple, soit un écart de 226 %.
Et enfin, cette enquête pointe la problématique des travaux préconisés par les diagnostics, et leur chiffrage approximatif qui s’avère être très hasardeux. En effet, entre l’équipement conseillé pour une maison qui en dispose déjà et les estimations des travaux essentiels variant entre 3000 euros pour les uns et 30 000 euros pour d’autres, il n’est pas étonnant que les résultats de cette enquête aient fait tant de bruit. Il s’agit du pain béni pour tous les détracteurs du DPE, notamment ceux dont les motivations sont les plus douteuses et illégitimes.
“Après tout, la seule question que l’on devrait se poser serait de savoir si la nécessaire rénovation énergétique d’un côté et, de l’autre, la nécessité d’avoir des logements libres à la location sont conciliables. Finalement, la réforme du DPE et l’actuel débat auraient eu le mérite de faire remonter cette question à la surface. Pourvu que tout le chahut autour de sa stricte fiabilité, pourtant aussi importante et nécessaire, ne l’éclipse pas.”
L’étude Hello WATT sur la fiabilité DPE selon la méthode de suivi de consommation d’énergie
Selon une autre étude menée par la société Hello Watt en 2023, sur un échantillon de 221 logements, le DPE présente un taux d’erreur moyen de 71 %, c’est-à-dire que pour 7 logements sur 10, le DPE ne correspond pas à la consommation réelle du logement en kWh/m²/an³. L’étude souligne également que le DPE est basé sur des données d’entrée parfois erronées ou incomplètes, qui peuvent fausser le calcul.
La méthodologie a été plutôt simple : l’équipe de Hello Watt a comparé la consommation réelle d’énergie de 221 logements pour lesquels elle possédait un DPE, récent, avec la classe énergétique et la consommation estimée. Donc, l’étude se base surtout sur la compilation des données de la consommation énergétique estimée et réelle, prélevée par les compteurs connectés.
Dans seulement 29% des cas, la classe énergétique du DPE correspondait à la consommation réelle. Dans 40% des cas, c’est une étiquette adjacente qui est attribuée. Et dans les derniers 31% des cas, l’écart dépasse deux catégories énergétiques.
En analysant les résultats, nous pouvons facilement nous rendre compte que les catégories avec le moins de marge d’erreur sont les catégorie C et D. Une curiosité qui mérite que l’on se penche un peu plus dessus. Ce que la conclusion de cette étude ne fait pas.
Par contre, elle a le mérite de conclure par une note ironique qui prêterait à en rire si ce n’était pas aussi grave : les scores de la fiabilité DPE seraient à peine plus précis que si l’on les attribuait totalement au hasard !
Que peut-on retenir de ces enquêtes sur la fiabilité DPE ?
Ce qu’un propriétaire devrait savoir avant tout, c’est que toutes ces enquêtes sont les initiatives propres aux établissements qui les ont menées. Sans chercher à soupçonner les auteurs de ces études de partialité ou d’excès de zèle, nous pouvons confirmer que les procédées ne suivent pas une méthodologie scientifique et validée. Néanmoins, lorsque la fiabilité du DPE et ses limites peuvent être mises en lumière par des études, tout aussi limitées dont la fiabilité des résultats est discutable, il y aurait de quoi s’alarmer.
Le DPE repose sur une méthode de calcul complexe et peu transparente, qui peut varier selon le diagnostiqueur, le logiciel utilisé, les informations fournies par le propriétaire, etc. On pourrait reprocher plein de choses à ces deux enquêtes, mais leurs résultats appellent à se poser sérieusement la question sur la fiabilité du dispositif. Par ailleurs, la profession des diagnostics immobiliers, étant de plus en plus professionnalisée et organisée, pourrait être davantage mise devant ses raisonnabilités mais aussi davantage consultée par les pouvoirs publics, ce qui n’est pas forcement le cas.
Pourquoi autant de débat autour du DPE et de sa fiabilité, maintenant ?
Le débat autour de la fiabilité DPE est d’autant plus sensible que ce diagnostic a pris une importance croissante dans le secteur immobilier, avec la réforme entrée en vigueur quasiment en même temps que la Loi Climat et Résilience qui apporte d’autres dispositifs directement liés à l’application du DPE. Cette réforme a rendu le DPE opposable juridiquement, en vertu de la Loi ÉLAN du 23 novembre 2018. Le caractère opposable du DPE veut dire que l’acquéreur ou le locataire peuvent se retourner contre le vendeur ou le bailleur en cas d’erreur ou de fraude. Au final, c’est bien la responsabilité, y compris pénal, du diagnostiqueur à l’origine des diagnostics qui est engagée.
Elle a également instauré des obligations et des sanctions pour les logements les plus énergivores, classés F et G, qui doivent faire l’objet d’un audit énergétique, dans le cadre d’une vente. Ces biens immobiliers seront également interdits à la location à partir de 2025 pour les logements classés G, 2028 pour ceux arborant l’étiquette F.
Selon les associations des propriétaires-bailleurs, qui ont rajouté une couche au débat actuel, le mode de calcul actuel du DPE pénaliserait les petits logements, souvent destinés à la location. Ainsi, des dizaines de milliers de petits logements, avec le mauvais DPE car réellement énergivores par essence, seront interdits à la location. D’ailleurs, cette situation a vocation d’aggraver une crise de logement déjà suffisamment profonde.
La crise du logement versus le DPE, un étendard ?
Bien entendu, le discours de ces associations des propriétaires-bailleurs laisse entrevoir que, pour elles, l’incontestable crise de logement n’est qu’un étendard. S’agit-il d’une réelle préoccupation pour leurs locataires ? Où est-ce simplement un prétexte pour critiquer les nécessaires mesures de rénovation énergétique dans le parc ancien? Bien qu’il soit vrai que la mise en place de certaines mesures pose réellement des questions pratiques.
Après tout, la seule question que l’on devrait se poser serait de savoir si la nécessaire rénovation énergétique d’un côté et, de l’autre, la nécessité d’avoir des logements libres à la location sont conciliables. Et si ce n’est pas le cas, comment arriver à concilier les deux ?
Finalement, la réforme du DPE et l’actuel débat auraient eu le mérite de faire remonter cette question à la surface. Pourvu que tout le chahut autour de sa stricte fiabilité, pourtant aussi importante et nécessaire, ne l’éclipse pas.
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Conclusion – La fiabilité du DPE, vers quelle évolution ?
Face aux enjeux ces dernières années, les pouvoirs publics ont mis en place une feuille de route, en concertation avec les professionnels de la filière, pour améliorer la fiabilité du DPE, encadrer et professionnaliser le secteur.
Cette feuille de route prévoyait notamment de renforcer les compétences et le contrôle des diagnostiqueurs, de simplifier et d’harmoniser la méthode de calcul, de créer un portail numérique unique pour consulter les diagnostics, etc. Ces actions, initiées en septembre 2022, se poursuivaient courant 2023, afin de garantir un dispositif plus robuste, qualitatif et utile. Cependant, depuis les premières mesures, aucune avancée notable n’est à signaler.
De plus, selon les témoignages tant des éditeurs des logiciels spécialisés que des professionnels du diagnostic immobilier, il y aurait une certaine lassitude des réunions interminables sans réelles perspectives et peu d’écoute.
La fiabilité du DPE – vers une nouvelle réforme ?
Au mois de janvier 2024, à sa prise de fonction et à défaut d’un ministre de logement désigné, le premier ministre en fonction Gabriel Attal a annoncé quelques mesures à venir concernant le secteur du logement dont une nouvelle reforme du DPE dès le mois de février 2024. Christophe Béchu, le ministre de la transition écologique, a apporté quelques précisions annonçant un nouveau mode de calcul du DPE pour les logements de moins de 40m².
En appliquant un coefficient de modération sur ce type de logement, cette modification devrait améliorer la classe énergétique de quelques 200 000 “petits” logements. Ainsi, par un coup de baguette magique, près de 140 000 logements ne seront plus considérés comme des “passoires thermiques”, administrativement. Cela ne veut absolument pas dire qu’ils arrêteront d’être énergivores mais de toute évidence on laisse aux générations futures le soin de gérer cette problématique là.
Quelle place dans ce débat pour les professionnels des diagnostics immobiliers et la majorité de la population concernée ?
En vue des réactions de certains responsables de la profession des diagnostics immobiliers, on peut se demander si les professionnels ont été consultés, en amont. De toute évidence, ils l’ont été à moindre mesure que les organisations patronales de la promotion et de l’immobilier qui ont salué la mesure gouvernementale à venir.
De plus, la nomination de Guillaume Kasbarian au poste du ministre de logement laisse présager une politique favorable aux propriétaires-bailleurs, sans forcément d’égard pour les propriétaires des résidences principales ni des locataires et au détriment des mesures environnementales. En effet, ce député de la majorité s’est déjà illustré par ses positions, mais aussi des amendements, allant dans ce sens.
Et pourtant, les propriétaires autant que les professionnels du diagnostic immobilier attendent les réponses claires sur un sujet précis : un travail sérieux pour arriver à un calcul fiable des performances énergétiques de nos logements et les moyens pour les améliorer. Aussi, dans le dernier baromètre que publie, ce 7 février 2024, l’Agence Nationale pour la rénovation urbaine en partenariat avec Harris Interactive, on apprend que la rénovation énergétique est de loin l’attente la plus forte des Français, à 72%. Nous ne savons pas si cela fait partie des préoccupations des multipropriétaires de 5 logements et plus, représentant 3,5% des ménages mais détenant plus de 50% des logements en location, à eux seuls.
Nous pouvons conclure que la population et les professionnels du secteur montrent beaucoup plus de clairvoyance et de bon sens sur cette question que le gouvernement et certains lobbys.
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