- octobre 2, 2024
- Envoyé par : Arland Mehmetaj
- Catégories: Actualités, Analyse et débat, Parti pris
Dans un contexte où la crise du logement ne cesse de s’intensifier, avec un niveau de prix et de loyers historique, ainsi qu’un déficit de logements sans précédent, Michel Barnier, Premier ministre, était attendu de pied ferme lors de son discours de politique générale de ce mardi 1er octobre 2024. Tous espéraient des réponses concrètes à cette situation alarmante : des mises en chantier et des ventes en berne, des zones tendues multipliées et une population de plus en plus étranglée par des prix et loyers trop élevés.
Pourtant, à la lecture des propositions, on ne peut qu’être frappé par une chose : non seulement le discours de la politique générale de Michel Barnier reste à la surface, sans s’attaquer véritablement aux fondations des problèmes, mais en plus donne des gages aux forces politiques les plus libérales, réactionnaires et climatosceptiques, voire climato-négationnistes.
Discours de la politique générale de Michel Barnier sur le logement, la construction et l’immobilier
Les mesures énoncées par le Premier ministre, si elles paraissent faussement pragmatiques, manquent de profondeur et d’ambition pour la population, à l’image de la composition du gouvernement. C’est un peu comme essayer de poser un carrelage de qualité sans préparer le sol qui est, en plus, instable : un cache-misère de courte durée, et tôt ou tard, les fissures réapparaîtront. Ce qui est dramatique, ce sont toujours les mêmes qui payent et pour les fissures et pour leurs réparations. Et toujours les mêmes qui en profitent : les multi propriétaires-bailleurs et autres capitalistes et spéculateurs.
Simplification du diagnostic de performance énergétique (DPE) : un cadeau pour les plus riches
La simplification du diagnostic de performance énergétique (DPE), encore ?! Il est vrai que la loi Climat et résilience pousse, à raison, vers la sortie du marché locatif de nombreux logements classés F, G ou E, créant de facto une rareté de l’offre. Mais au-delà de simplifier le DPE, où est le vrai plan de financement et d’accompagnement pour rénover efficacement ?
Sans un système d’aides compréhensible et renforcé, sans un accompagnement clair , on continuera, d’un côté, à mettre hors-jeux des biens immobiliers, sans se donner les moyens de les remettre dans le circuit. De l’autre côté, on continuera de faire vivre un véritable calvaire à toutes celles et tous ceux obligé·es de vivre dans les logements indécents, les passoires et bouilloires thermiques, faute de mieux.
Au lieu d’apaiser les tensions sur le marché locatif, ces mesures risquent de les accentuer en exacerbant les difficultés d’un ensemble de propriétaires et locataires.
Et pour cause. Cette mesure qui concerne une énième réforme du DPE n’est pas adressée aux propriétaires accédants et aux locataires. La preuve, les premiers à applaudir ont été Laurent Wauquiez (LR – droite) et Marine Le Pen (RN – extrême droite). Et Loïc Contin, le président de la FNAIM, s’est félicité, auprès de Capital naturellement, de cette mesure en bon porte-parole des pro-spéculations et en bon défenseur des multi propriétaires-bailleurs.
Un “ajustement” du dispositif Zéro artificialisation nette (ZAN): une proposition de la droite et l’extrême droite anti écologiste
Le “zéro artificialisation nette” (ZAN), qui vise à préserver les sols naturels et agricoles, est une noble ambition et absolument nécessaire. Cependant, Michel Barnier considère que cette réglementation doit évoluer pour permettre la construction nécessaire au développement économique et à la réponse à la crise du logement.
Mais encore une fois, où est l’équilibre entre préserver nos terres et offrir des logements décents ? Le discours reste flou, sans solutions concrètes pour concilier ces enjeux majeurs. La réalité est que le foncier devient une ressource rare, et l’on doit réfléchir à des modes de construction qui utilisent intelligemment l’espace disponible, voire déjà occupé, plutôt que de simplement rogner sur des zones naturelles et protégées.
D’ailleurs, pas un mot sur la proposition de gel de loyer et de prix de fonciers dans les zones tendues. Et pourtant, il s’agit des propositions du programme du NFP qui ont été plébiscitées par la majorité des votant·es aux dernières élections législatives. Ce sont d’ailleurs les revendications de longues dates des acteurs associatifs et syndicaux du secteur du logement, comme par exemple la CNL.
Finalement on se retrouve dans une situation totalement paradoxale et anti-democratique où les propositions de la force politique ayant gagné les élections législatives, le NFP, sont poussées vers la sortie au profit des propositions de “Les Républicains”, très inspirées par l’extrême droite, qui ont réuni à peine 6% de voix exprimées.
Le prêt à taux zéro : une extension timide
L’extension du prêt à taux zéro (PTZ) sur tout le territoire semble être une réponse encourageante. Mais le véritable problème, c’est l’accessibilité de ce prêt. Limité aux ménages à revenus modestes et à certaines zones, le PTZ, même élargi, ne répond pas à la diversité des situations sur le terrain. On aurait pu espérer des mesures plus audacieuses, comme une refonte du PTZ pour inclure les populations souvent oubliées.
Par exemple, dans la plupart des cas, le PTZ est accessible à celles et ceux qui achètent pour la première fois et cela dans le neuf. Or, la problématique actuelle est le logement des seniors. En effet, ces derniers occupent des millions de logements inadaptés à leurs besoins. Bref, ils/elles habitent souvent seul·e·s dans des maisons qui ne leur correspondent plus mais qui, par contre, pourraient convenir aux jeunes couples en recherche active.
Les résidences neuves avec les ascenseurs, à proximité des services et commerces, et avec les logements plus petits, sans travaux et fonctionnels correspondent bien davantage à cette population vieillissante. Le problème majeur est le déficit de ce type de logements et lorsqu’il y en a, le plan de financement à mettre en place est trop compliqué. Les seniors ne peuvent pas avoir les logements leur convenant davantage et de ce fait ne quittent pas leurs maisons.
Le résultat est un statut quo où personne ne bouge, une situation qui pénalise les propriétaires et les candidat·e·s de l’accession à la propriété. Et c’est justement sur cette situation là que des prêts aidés peuvent avoir de l’impact et en débloquant tout un transfert intergénérationnel de propriétés.
Simplification des normes de construction : où est la vision long terme ?
Comme pour le DPE, la ZAN ou le PTZ, Michel Barnier nous parle de simplifier les normes de construction, mais cela reste vague. Quels freins seront réellement levés pour encourager la construction ?
Les normes existent pour garantir des logements sûrs et durables et elles sont déjà assez malmenées en réalité. Il ne faut pas oublier que les difficultés, voire le péril et des accidents graves, concernent autant les résidences neuves que les bâtiments plus anciens. Alors si simplification il doit y avoir, elle doit s’accompagner d’un contrôle rigoureux pour éviter davantage de dérives qui sacrifieraient la qualité des logements ainsi que l’environnement au nom de la rapidité et de la rentabilité.
Où est donc la stratégie pour encourager l’innovation dans le bâtiment, réduire les coûts tout en respectant les engagements écologiques ? Une fois de plus, on se contente d’effleurer la surface.
Crise du Logement : sauront-ils construire autre chose ?
La crise du logement est un phénomène qui touche des millions de personnes en France, qui peinent à se loger dignement, à se maintenir dans leur logement ou à accéder à la propriété. Quelles sont les origines de la crise du logement en France ? Quel est l’état des lieux de la situation actuelle ? Quelles sont les perspectives et les solutions pour sortir de la crise ? Cet article tente de répondre à ces questions.
Et pourtant, les pistes d’exploration existent. Par exemple, dans un rapport publié 19 mars dernier, intitulé “Réussir la ZAN tout en réduisant le mal logement, c’est possible” (ZAN – “Zéro Artificialisation Nette”), la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH) et la Fondation Abbé Pierre ouvrent de nouvelles perspectives pour l’habitat de demain. Si vous voulez en savoir plus, consultez notre article complet sur le sujet.
Logement social par le gouvernement Barnier : que des fausses “bonnes” idées
Donner plus de pouvoir aux maires dans l’attribution des logements sociaux paraît être une mesure pratique et pragmatique, quasiment du bon sens, mais elle soulève de nombreuses questions. Décentraliser ce pouvoir peut créer des inégalités entre les communes, certaines étant plus riches ou mieux équipées et formées pour gérer ces dossiers, extrêmement compliqués. De plus, un certain nombre de maires refusent catégoriquement des nouveaux logements sociaux sur leur commune. Qu’est-ce qui garantit qu’ils ne mettront pas cet élargissement de leurs compétences au profit d’une diminution du volume de logements sociaux déjà existants ?
D’ailleurs, cette proposition de Michel Barnier arrive au moment où la Cour des comptes épingle la gestion des projets d’urbanisation et des permis de construire par les maires, un rôle qui fait déjà partie de leurs compétences. Et je ne reviendrai pas sur un tas d’affaires de pots de vin et autres “cadeaux” reçus par certains maires et d’autres membres d’équipes municipales de la part des promoteurs et constructeurs.
L’objectif de ces propos n’est pas de dire qu’il s’agit d’une mauvaise piste à explorer. Les maires devraient, en effet, avoir l’intégralité de compétences liées au logement ainsi que l’urbanisation et la construction. Néanmoins, le cadre de ces nouvelles compétences doit être clairement fixé et les communes préparées pour un tel changement. Et finalement, une telle décentralisation ne peut se faire que dans le cadre d’un changement radical du système politique, l’actuel ne correspondant pas assez à un tel chantier.
Le second point concernant le rapport du gouvernement Barnier vis-à-vis du logement social est l’idée de réévaluer régulièrement les ressources des locataires pour “adapter leur loyer“. Si cette mesure peut sembler juste sur le papier, dans la réalité, elle pourrait entraîner une insécurité permanente pour les locataires, toujours à risque de voir leur loyer augmenter. On parle ici de personnes qui ont souvent déjà du mal à boucler leurs fins de mois. C’est là un exemple frappant d’une mesure populiste plus que de bon sens qui pourrait aggraver les inégalités et l’instabilité sociale.
L’ensemble des acteurs associatifs et syndicaux du secteur du logement revendique le gel de loyer et de charges, pour le logement social comme privé. Le discours de la politique générale de Michel Barnier a prouvé que ce gouvernement, comme les précédents, ne compte pas entendre celles et ceux qui sont réellement investi·es sur ces questions et portent des propositions concrètes, pertinentes et en adéquation avec les attentes de la population.
Logement et Immobilier : Les vraies priorités totalement “oubliées” par Michel Garnier
Michel Barnier a, certes, abordé certains sujets importants, mais il a oublié l’essentiel : les attentes réelles de la population et un plan d’envergure et de rupture pour la rénovation massive du parc existant et la construction plus soutenue de nouveaux logements . Sans un engagement clair et des investissements importants dans ce domaine, toutes les autres mesures ne sont que des pansements sur une plaie béante.
La crise du logement ne sera résolue qu’en investissant dans la rénovation, la réhabilitation et la construction plus écologique, plus innovante, plus ambitieuse, en favorisant une rénovation énergétique inclusive et en créant un cadre réglementaire et des subventions qui soutiennent vraiment les propriétaires accédants et les locataires.
En somme, les propositions de Michel Barnier s’attaquent à quelques symptômes, mais laissent intactes les causes profondes de la crise du logement. Un plan vraiment ambitieux aurait mis l’accent sur la construction, la rénovation massive, et un cadre solide pour encourager l’investissement public.
Et pourtant, il est temps de construire sur des fondations solides, car tant que nous resterons sur des solutions superficielles, la crise du logement persistera et continuera d’affecter les citoyennes et citoyens dans leur quotidien.