Selon la loi ELAN de 2018, 20 % des logements neufs doivent être accessibles aux personnes handicapées dès leur construction. Les 80 % restants doivent être évolutifs, c’est-à-dire capables d’être adaptés par des « travaux simples ». Cette disposition visant le Logement inclusif devait faire l’objet d’un bilan cinq ans après son adoption. Bien que commandé en novembre 2022 par les ministères concernés et finalisé fin 2023, ce rapport n’a toujours pas été transmis au Parlement.
Officiellement, le ministère du Logement invoque des délais non respectés et une évaluation toujours en cours, malgré les obligations légales. Cependant, des sources évoquent un rapport jugé trop critique et militant, mettant en doute la réelle volonté d’appliquer des solutions inclusives sans compromis sur l’accessibilité ni les coûts.
Derrière ce refus, des critiques pointent des motivations politiques et économiques, comme le relève l’enquête de Yanous, un magazine en ligne dédié au handicap. Le logement évolutif, favorisé pour réduire les coûts de construction, semble préserver avant tout les intérêts des promoteurs au détriment de la notion du logement inclusif, réellement.
Pour les associations de personnes en situation de handicap, ce rejet traduit un désintérêt pour l’inclusion réelle et une volonté de minimiser les efforts en matière d’accessibilité. Ce contexte met en exergue la nécessité d’une réflexion approfondie sur les priorités de l’habitat inclusif en France.
Le refus du ministère du Logement d’accepter et de rendre public le rapport de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) sur le logement évolutif n’a suscité guère des débats, hors cercles restreints.
Pourtant, le logement inclusif est un enjeu crucial, particulièrement pour les personnes en situation de handicap et leurs proches.
Selon le DREES “En 2021, 6,8 millions (13 %) de personnes de 15 ans ou plus vivant à leur domicile déclarent avoir au moins une limitation sévère dans une fonction physique, sensorielle ou cognitive et 3,4 millions (6 %) déclarent être fortement restreintes dans des activités habituelles, en raison d’un problème de santé. Selon la définition retenue, de la plus stricte qui impose de cumuler ces deux critères, ou la plus large qui prend en compte l’ensemble des limitations et restrictions, on compte entre 2,6 millions et 7,6 millions de personnes handicapées ou dépendantes de 15 ans ou plus vivant en logement ordinaire.”
Par conséquent, la notion de logement évolutif, introduite par la loi Elan, aurait dû susciter plus d’intérêt et un débat bien plus intense. Un débat sur le logement inclusif qui aurait dû avant tout mettre en lumière des besoins fondamentaux de près de 15% de la population de plus de 15 ans en France et leurs revendications essentielles. En tous cas, bien plus que les contraintes et les manques à gagner pour les promoteurs immobiliers toujours à la recherche des assouplissements réglementaires.
Qu’est-ce qu’un logement évolutif ?
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Le concept de logement évolutif repose sur une idée simple : créer des espaces qui s’adaptent aux changements de la vie, qu’il s’agisse des besoins liés à l’âge, aux conditions physiques ou aux aléas familiaux.
Ces logements sont initialement conçus de manière standard, sans nécessairement respecter les normes d’accessibilité universelle. Toutefois, ils incluent une possibilité de transformation future pour répondre notamment aux besoins des personnes à mobilité réduite (PMR) ou d’autres publics spécifiques. On y retrouve donc le concept habituel macroniste de “en même temps”…
Un objectif économique avant le logement inclusif réel
Introduit dans le cadre de la loi Elan en 2018, le logement évolutif vise à répondre à un double objectif : réduire les coûts de construction pour les promoteurs et permettre une certaine flexibilité pour les occupants. En clair, il visait le logement inclusif tout en essayant “en même temps” de préserver les marges des promoteurs. Comme si les deux notions se valait.
En ne rendant accessibles que 20 % des logements dans un programme immobilier (contre 100 % auparavant), cette approche avait pour ambition de concentrer les efforts sur les besoins les plus urgents, tout en gardant la possibilité d’adaptations futures. Par exemple, un logement pourrait être modifié pour intégrer une salle de bain adaptée, des seuils abaissés, ou une cuisine accessible.
Les limites de l’adaptabilité et de “en même temps”
Dans la pratique, cependant, le logement évolutif rencontre des limites significatives. Les transformations nécessaires sont souvent complexes et coûteuses, impliquant des travaux importants qui nécessitent un budget et une organisation que les familles ou les individus concernés n’ont pas toujours à disposition. De plus, les délais associés à ces modifications peuvent poser problème, surtout pour des personnes dont les besoins en accessibilité sont immédiats.
Pour les PMR, cette adaptabilité différée peut être perçue comme un recul en termes d’inclusion et de droits. Attendre qu’un logement soit transformé en fonction des besoins ne permet pas de vivre sereinement et en toute autonomie dès l’installation.
Une réponse incomplète aux enjeux sociaux
Ce modèle soulève donc une question cruciale : pourquoi prioriser l’économie au détriment de l’accessibilité immédiate ? Alors que le vieillissement de la population et les revendications des personnes en situation de handicap appellent à des solutions universelles, le logement évolutif semble parfois une réponse incomplète, voire insatisfaisante. Il reflète un compromis, mais pas toujours dans l’intérêt des premiers concernés et de plus en plus éloigné des notions d’un logement inclusif.
L’enjeu reste donc de trouver un équilibre entre coûts maîtrisés, rapidité de réponse aux besoins, et inclusion réelle.
Le logement accessible : une solution universelle pour un logement inclusif
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Le logement accessible, quant à lui, repose sur un principe fondamental : concevoir des espaces qui, dès leur construction, répondent aux besoins de toutes et tous, en particulier des personnes à mobilité réduite (PMR). Contrairement au logement évolutif, il ne mise pas sur des adaptations futures, mais sur une anticipation immédiate, rendant chaque espace habitable pour toutes et tous dès le premier jour, ce qui devrait être l’objectif premier d’un logement inclusif.
Les fondements de l’accessibilité universelle
Un logement accessible intègre des éléments spécifiques dès sa conception : absence de seuils pour éviter les obstacles, largeurs de portes adaptées aux fauteuils roulants, ascenseurs spacieux permettant un accès aisé, et équipements comme des sanitaires ergonomiques. Ces aménagements, bien qu’issus des normes PMR, bénéficient à une population bien plus large : parents avec poussettes, personnes âgées ou même jeunes enfants.
Ce modèle se fonde sur l’inclusion, garantissant que chaque individu puisse vivre dans un environnement fonctionnel sans avoir à demander de modifications supplémentaires. En clair, dans un logement inclusif.
Les architectes et promoteurs qui adoptent cette approche considèrent que l’accessibilité universelle n’est pas seulement une contrainte, mais une manière d’améliorer la qualité de vie de tous les occupants. Ils sont tout de même peu nombreux au vu des résultats.
Les avantages pour les personnes en situation d’handicap
Pour les personnes à mobilité réduite, le logement accessible offre une solution immédiate et sans compromis. Les personnes en situation de handicap et leurs associations soulignent souvent que l’accessibilité ne se limite pas à une question de confort, mais qu’elle touche des valeurs fondamentales comme l’autonomie et la dignité. Ce sont les questions réelles auxquelles la recherche autour du logement inclusif devrait répondre.
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Contrairement au logement évolutif, qui impose une attente et des démarches pour adapter un espace, un logement accessible est immédiatement opérationnel, permettant aux occupants de se projeter pleinement dans leur quotidien. C’est ce qui se rapprocherait le plus à un logement inclusif réel.
Une solution durable et efficace vers un logement inclusif
Le logement accessible a également des avantages durables. Sur le plan économique, bien qu’il nécessite un investissement initial légèrement supérieur, il réduit les coûts à long terme en évitant des travaux d’adaptation coûteux. Sur le plan social, il favorise une société plus équitable et respectueuse des différences.
Enfin, intégrer dès maintenant des normes d’accessibilité universelle dans les nouveaux projets immobiliers prépare également à des défis démographiques futurs, comme le vieillissement de la population. Cette approche, directe et inclusive, s’impose donc comme un choix logique et éthique pour aller vers un logement inclusif.
Logement inclusif : Quels enjeux pour les propriétaires ?
Vous vous êtes surement demandé “en quoi, le logement inclusif, me concerne-t-il en tant que valide et propriétaire ? ” Pour répondre à cette question, je dois évoquer mon expérience professionnelle avec un retour du terrain et du marché de l’immobilier.
Pour la période entre 2019 et 2023 pendant laquelle je me suis penché sur la question de l’inclusion, j’ai géré plus de 500 dossiers de mise en vente potentielle d’un bien immobilier. Un dossier sur deux, hors divorce ou décès, concernait un logement devenu inadapté notamment en raison d’un manque d’accessibilité suite à une perte, totale ou partielle, de mobilité de l’un des occupants. Si la question d’un logement inclusif ne se pose pas quand on est valide, avec l’âge, la maladie ou l’accident de vie, un habitat standard devient rapidement un lourd fardeau pour ses propriétaires.
De l’autre coté, dans la même période et sur un échantillon de plus de 2 000 recherches d’un logement, 4 dossiers sur 10 comportaient au moins un critère qui nécessitait un logement inclusif. Globalement, là aussi, c’était lié surtout à la mobilité limitée de futur·es occupant·es. Souvent, la plupart de ces recherches n’ont pas pu totalement aboutir à cause du manque de logements inclusifs sur le marché. Il s’agit donc de près de 40 % de demandes non satisfaites. Et c’est énorme.
On peut tirer deux constats principaux de ces chiffres. Premier constat concerne l’impossible maintien dans un logement qui n’est pas, ou plus, adapté. Second constat, quant à lui, nous dévoile un déficit criant de logements adaptés aux personnes en situation de handicap, notamment à mobilité réduite, sur le marché immobilier.
De ce fait, on peut conclure qu’il est extrêmement important pour les propriétaires d’envisager l’inclusion au même titre que, par exemple, la rénovation énergétique. Il est inutile de vous préciser à quel point c’est bien plus important que la couleur d’une future cuisine et, au vu des prix actuels des cuisines, sans être forcement plus cher. Et cela pour deux raisons :
1. L’adaptation, en cas des travaux, de votre logement améliore votre confort et vous permet le maintien dans ce même logement inclusif du coup, le plus longtemps possible.
2. En visant un logement inclusif, vous valorisez ce dernier. En cas de mise en vente, vous ouvrez la porte, au sens littéraire comme figuré, à davantage d’acquéreurs potentiels sur un créneau peu concurrentiel.
Bien entendu, si vous possédez un appartement au 4ème étage d’un immeuble sans ascenseur, vous ne pouvez y faire grand chose, malheureusement. Mais dans tous les autres cas de figure, mon conseil est d’intégrer l’inclusion dans toute réflexion qui porterait sur les travaux et la valorisation de votre logement actuel.
Les limites du logement évolutif
Bien qu’il se présente comme une solution innovante et économique, le logement évolutif révèle des failles importantes, particulièrement lorsqu’il s’agit de répondre aux besoins urgents des personnes à mobilité réduite (PMR). Ces limites touchent à la fois l’efficacité, l’accessibilité financière, et les délais de mise en œuvre, créant un fossé entre son ambition et sa réalité.
Des démarches administratives et financières complexes
L’une des principales faiblesses du logement évolutif réside dans les transformations qu’il suppose. Adapter un logement standard pour le rendre accessible nécessite des travaux parfois lourds : abattre des murs, aménager des espaces, ou encore installer des équipements spécifiques comme des barres d’appui ou des ascenseurs intérieurs. Ces modifications impliquent des démarches administratives souvent chronophages, incluant des demandes d’autorisations auprès des copropriétés ou des collectivités locales.
En parallèle, le financement de ces adaptations constitue un autre obstacle majeur pour atteindre le logement inclusif. Si certains dispositifs d’aide existent, leur accès peut être limité par des conditions strictes, des plafonds de revenus ou des procédures complexes. Résultat : de nombreuses familles concernées n’ont pas les informations pertinentes ni les ressources nécessaires pour réaliser ces travaux, les laissant dans des logements inadaptés à leurs besoins immédiats.
Des délais incompatibles avec l’urgence des besoins
Un autre point critique est le temps nécessaire pour rendre un logement évolutif pleinement accessible. Entre l’identification du besoin, la planification des travaux et leur exécution, plusieurs mois, voire années, peuvent s’écouler. Pour une personne en situation de handicap ou une famille confrontée à un changement soudain, comme un accident ou une maladie, ces délais sont souvent incompatibles avec l’urgence de leur situation.
Cette temporalité différée va à l’encontre de l’objectif premier d’inclusion sociale. Elle impose une attente prolongée, privant les occupants de l’autonomie et du confort auxquels ils devraient avoir droit dès leur installation.
Une concurrence inéquitable avec le logement accessible
Le logement évolutif fait également face à des critiques concernant sa mise en concurrence avec le logement accessible. De nombreux acteurs, notamment les associations de défense des personnes en situation de handicap, estiment que cette solution relègue leurs besoins à une position secondaire. De ce fait, cette solution nous éloigne d’un objectif de logement inclusif au lieu de nous y rapprocher.
En priorisant une logique d’économie et de modularité future, elle normalise un standard moins inclusif, marginalisant les PMR et leurs besoins spécifiques. Pire, les quotas des logements accessibles font de ces derniers une simple variable d’ajustement. Par exemple, certains promoteurs placent des logements accessibles aux étages supérieurs des résidences sans ascenseur.
Un modèle de conception de logements à repenser
Ces limites montrent que le logement évolutif ne répond pas efficacement aux enjeux d’inclusion. Par conséquent, il invite à une réflexion plus globale, pour trouver des solutions immédiates et équitables, où chaque individu, quelle que soit sa situation, puisse vivre dans un environnement adapté.
Vers une solution hybride et inclusive ?
Pour répondre aux défis croissants d’un logement inclusif, il devient évident qu’une approche hybride, combinant accessibilité immédiate et adaptabilité, pourrait constituer une solution équilibrée et efficace. Cette vision intégrerait les forces des logements accessibles et évolutifs tout en exploitant les innovations technologiques pour surmonter leurs limites respectives.
La complémentarité de l’accessibilité et de l’évolutivité
L’accessibilité universelle garantit une utilisation immédiate et autonome des espaces pour tous, en particulier pour les personnes à mobilité réduite (PMR). Cependant, elle peut se heurter à des contraintes budgétaires ou techniques dans certains projets. De son côté, le logement évolutif offre une flexibilité théorique, mais au prix d’une mise en œuvre souvent tardive et inadaptée. Une solution hybride chercherait à répondre simultanément aux besoins urgents et aux évolutions futures des occupants.
Par exemple, un logement pourrait être conçu avec des bases accessibles — absence de seuils, portes larges, ascenseur — tout en intégrant des éléments modulables, comme des cloisons amovibles ou des équipements évolutifs. Cela permettrait d’offrir une solution immédiate et de s’adapter à des besoins spécifiques sans travaux lourds.
Le rôle clé des innovations technologiques pour le logement inclusif
Les avancées technologiques ouvrent des perspectives fascinantes pour le logement inclusif. La domotique, par exemple, peut transformer un espace en améliorant considérablement son accessibilité. Des commandes vocales, des interrupteurs tactiles ou des systèmes automatisés pour les fenêtres et les portes facilitent la vie quotidienne des PMR.
De même, les matériaux modulaires, comme les cloisons légères ou les meubles ajustables, permettent de repenser un espace en quelques heures, éliminant ainsi les délais et les coûts associés aux transformations lourdes. Ces technologies contribuent à faire de l’habitat un lieu dynamique, adaptable et durable.
Co-construire avec les principaux concernés
Pour garantir que ces solutions répondent réellement aux besoins, il est impératif d’inclure les personnes en situation de handicap dans leur conception. Les ateliers participatifs, impliquant des usagers, des architectes et des urbanistes, représentent une méthode efficace pour co-créer des logements adaptés. Ces échanges permettraient d’intégrer des besoins concrets et souvent invisibles aux yeux des concepteurs non concernés.
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L’approche hybride d’un logement inclusif ne se contente pas de répondre aux défis actuels : elle prépare également les logements aux évolutions sociétales futures, notamment le vieillissement de la population. Ce modèle met en avant l’équité, l’autonomie et la durabilité, des valeurs indispensables pour bâtir des habitats inclusifs, où chaque individu trouve sa place sans compromis.
Sortir de la logique mercantile pour aller vers le logement inclusif
Les logements accessibles et évolutifs reflètent deux visions de l’habitat inclusif, mais les attentes des PMR plaident pour des solutions immédiates et universelles. L’enjeu dépasse les seuls aspects techniques : il s’agit de garantir l’équité et la dignité de chaque individu.
Pour construire un futur où chacun trouve sa place, le dialogue entre législateurs, professionnels et surtout associations reste essentiel.