- novembre 8, 2024
- Envoyé par : Arland Mehmetaj
- Catégories: Actualités, Parti pris
La taxe d’habitation sur les résidences principales, véritable serpent de mer de la fiscalité locale française, a été officiellement supprimée pour tous les ménages en 2023. Mise en place dans les années 1970, elle visait à financer les services publics locaux en fonction de la valeur locative des logements, un système critiqué pour ses disparités et jugé de plus en plus injuste au fil des décennies.
La suppression de la taxe d’habitation, orchestrée progressivement à partir de 2018, a été saluée par de nombreux ménages, y voyant une mesure de justice fiscale et une bouffée d’air pour leur pouvoir d’achat. En tout, cette réforme représente environ 18 milliards d’euros rendus, ou du moins pas retirés, chaque année aux habitant·es, soit une somme considérable pour alléger le budget des ménages.
Cependant, si cet impôt local a bien disparu, la pression fiscale, elle, continue de se faire sentir. Les propriétaires en particulier, qui voient leurs charges augmenter ailleurs, sont nombreux à se demander si cette suppression est aussi avantageuse qu’elle en avait l’air. En même temps, le bruit des couloirs sur un éventuel retour de la taxe d’habitation dès 2025 agite les esprits.
Dans ce contexte, la question se pose : les collectivités locales peuvent-elles réellement compenser la perte de cet impôt sans demander de nouveaux efforts financiers aux citoyen·nes ? Cette inquiétude est d’autant plus justifiée que les dépenses des collectivités sont en hausse, notamment sous l’effet des coûts de l’énergie, des exigences environnementales et des besoins croissants en services publics. L’Etat leur demande des comptes… alors que ces derniers sont vides.
📌En bref : l’essentiel à retenir sur la taxe d’habitation et les nouvelles charges fiscales
Vers un nouveau modèle fiscal : Alors que la suppression de la taxe d’habitation est actée, le débat sur un modèle fiscal équilibré et durable pour les collectivités reste ouvert, dans un contexte de dialogue tendu entre l’État, les collectivités et les citoyens.
Suppression de la taxe d’habitation : Depuis 2023, la taxe d’habitation sur les résidences principales est abolie, libérant environ 18 milliards d’euros par an pour les ménages français et améliorant leur pouvoir d’achat.
Hausse de la taxe foncière : En compensation, de nombreuses communes ont augmenté la taxe foncière, avec une hausse moyenne de 20 % entre 2018 et 2023. Cette charge repose uniquement sur les propriétaires, accentuant leur pression fiscale.
Nouvelle “contribution citoyenne” envisagée : Pour pallier la perte de la taxe d’habitation, des propositions émergent, telles qu’une contribution pour tous les résidents (y compris les locataires) au financement des services publics locaux. Cette option suscite des débats, certains la voyant comme une “taxe d’habitation déguisée“.
Augmentation des Frais de notaire : Pour compenser leurs pertes de recettes, les départements envisagent d’augmenter les droits de mutation (DMTO), “frais de notaire”, qui impacteraient directement les acheteurs immobiliers.
Défi de financement pour les collectivités : Les compensations de l’État ne suffisent pas toujours à répondre aux besoins croissants des collectivités, et de nombreux élus locaux réclament une réforme de la fiscalité locale pour un modèle plus équitable.
Place des citoyen·nes dans le débat : Si ce débat sur une nouvelle fiscalité locale part d’une mauvaise base pour les contribuables, censé·es en assumer tout le poids, c’est aussi une opportunité pour les citoyen·nes d’interpeller les élus locaux, de se réapproprier cette question et le débat public et avancer avec des propositions portées par la base pour ne pas subir celles venues du “haut”.
Pourquoi la pression fiscale persiste-t-elle malgré cette suppression ?
L’un des paradoxes soulevés par la suppression de la taxe d’habitation est l’effet domino qu’elle a engendré sur d’autres prélèvements locaux, entre autres. Avec la fin de cette taxe, des compensations ont certes été prévues par l’État pour maintenir les budgets des communes, mais celles-ci estiment que les montants ne suffisent pas à couvrir leurs besoins.
En l’absence de la taxe d’habitation, certaines villes ont ainsi vu leurs recettes de taxe foncière augmenter de manière significative, une charge qui repose désormais uniquement sur les propriétaires. Par ailleurs, les droits de mutation à titre onéreux, souvent appelés “frais de notaire“, qui alimentent largement les caisses des départements, sont en discussion pour une hausse afin de compenser le manque à gagner.
Cette situation met en lumière une question centrale : comment les collectivités peuvent-elles assurer leur financement à sans la taxe d’habitation ? La suppression de cet impôt local emblématique pourrait bien avoir ouvert la porte à d’autres formes de prélèvements, perçus par certains comme une “taxe d’habitation déguisée“.
Entre la hausse des taxes foncières, une éventuelle “participation citoyenne au service public” et une possible augmentation des droits de mutation, la réalité budgétaire pour les collectivités locales ne semble pas avoir gagné en simplicité ni en transparence. Et encore moins en clarté, même à court terme.
En somme, si la taxe d’habitation sur les résidences principales appartient désormais au passé, les propriétaires et même certains locataires pourraient en ressentir les effets directement et indirectement, au travers de nouveaux prélèvements ou d’augmentations de charges. Cette problématique s’annonce comme une source de tensions durables entre l’État, les collectivités et les citoyen·nes, posant la question d’un équilibre à trouver entre justice fiscale et financement local.
I. La fin de la taxe d’habitation : mesure de justice fiscale ou coup dur pour les collectivités ?
1. Les raisons de la suppression : une quête de justice fiscale et de pouvoir d’achat
La suppression de la taxe d’habitation, achevée en 2023, a été annoncée par le gouvernement comme une mesure phare de justice fiscale. Cet impôt local, initialement calculé en fonction de la valeur locative des logements, était considéré depuis longtemps comme injuste.
En effet, les disparités territoriales rendaient l’impact de la taxe d’habitation très inégale : selon les communes, des ménages aux revenus similaires pouvaient se retrouver avec des taxes d’habitation extrêmement différentes. Les zones urbaines ou périurbaines à forte demande subissaient des évaluations locatives parfois obsolètes, aboutissant à des montants d’impôts peu représentatifs des capacités contributives des habitant·es.
Outre son objectif d’équité, cette suppression visait à renforcer le pouvoir d’achat des ménages, notamment les plus modestes. Avec une économie annuelle de plusieurs centaines d’euros par foyer, la fin de la taxe d’habitation a libéré environ 18 milliards d’euros chaque année pour les contribuables. Cette mesure a donc été particulièrement bien accueillie par une grande partie des Français, qui voyaient là une amélioration tangible de leur budget quotidien.
📌Cependant, il est utile de préciser que ce “gain” a été perdu autrement : une partie du budget de l’Etat censée être réinjectée dans les services publics, tels que la santé ou l’éducation, s’est vue réorienter vers les donations compensatrices pour les collectivités locales afin de palier le manque à gagner par la suppression de la taxe d’habitation.
2. Un coup dur pour les collectivités locales : les critiques des élus locaux
Si les ménages ont pu se réjouir de cette suppression, les élus locaux, eux, s’en sont montrés bien plus critiques. La taxe d’habitation représentait en effet une source de revenus essentielle pour les communes. Selon l’Association des maires de France (AMF), elle finançait une large part des budgets municipaux, permettant aux collectivités de couvrir des dépenses importantes pour la vie locale : voirie, équipements scolaires, espaces publics, et services de proximité.
La disparition de cette ressource a donc soulevé de vives inquiétudes parmi les élus, qui craignent de ne plus pouvoir répondre efficacement aux attentes croissantes des citoyen·nes en matière de services publics locaux.
Les responsables locaux dénoncent également le transfert de charges vers les collectivités sans ressources fiscales directes pour y répondre, ce qui accentue la pression sur les finances locales. Sans la taxe d’habitation, les communes les plus dépendantes de cette ressource risquent de faire face à des choix difficiles : réduction des services, report des investissements, ou encore recours à d’autres formes de fiscalité comme l’augmentation de la taxe foncière.
Cette situation est particulièrement préoccupante pour les communes rurales et périurbaines, souvent déjà sous tension financière, qui n’ont pas la même capacité à mobiliser des recettes alternatives que les grandes agglomérations.
3. Les compensations de l’État : un remède jugé insuffisant
Pour apaiser ces craintes, le gouvernement a promis de compenser intégralement la perte de la taxe d’habitation par une dotation de l’État aux collectivités. Cependant, cette compensation, si elle était censée couvrir le manque à gagner, est perçue par les élus comme une solution imparfaite et parfois incertaine.
D’abord, une compensation de l’Etat ne garantit pas l’autonomie fiscale des collectivités, qui dépendaient jusque-là de la taxe d’habitation pour ajuster leur budget en fonction de leurs besoins réels. En outre, ces dotations compensatoires sont fixes et ne tiennent pas toujours compte de l’évolution des dépenses locales, notamment en période d’inflation ou de hausse des coûts de l’énergie.
De plus, la méthode de calcul de cette compensation est source de frustrations. Les élus affirment que le montant attribué ne suffit souvent pas à couvrir intégralement leurs besoins, d’autant que certaines dépenses, comme celles liées aux infrastructures ou aux services sociaux, ont tendance à augmenter avec la croissance des populations locales. Certains représentants des collectivités craignent même que l’État utilise ces dotations comme levier pour limiter l’autonomie financière des communes, en réduisant progressivement leur montant ou en imposant des conditions strictes pour leur utilisation.
Face à cette situation, les élus locaux continuent de réclamer une refonte complète de la fiscalité locale, avec des ressources financières stables et autonomes. Ils appellent également à une revalorisation des dotations de l’État pour mieux refléter les réalités territoriales.
📌En bref : La suppression de la taxe d’habitation, bien que perçue comme une avancée sociale pour les ménages, a mis en lumière des défis financiers importants pour les collectivités. La question reste donc en suspens : comment concilier les objectifs de justice fiscale pour les citoyens et les besoins de financement local sans alourdir la pression sur les contribuables ?
II. Une “taxe d’habitation déguisée” ? Les autres charges fiscales qui augmentent
1. La montée en flèche de la taxe foncière : les propriétaires en première ligne
Depuis la suppression progressive de la taxe d’habitation, une autre taxe locale a pris une importance accrue dans les finances des collectivités : la taxe foncière. Cet impôt, exclusivement payé par les propriétaires de biens immobiliers, a vu son montant grimper en moyenne de 20 % entre 2018 et 2023.
📌Pour aller plus loin : Une nouvelle augmentation de la taxe foncière : Qui sont les propriétaires concerné·es ?
Les raisons de cette augmentation de la taxe foncière sont multiples, mais deux facteurs se distinguent particulièrement : d’une part, la nécessité pour les communes de compenser le manque à gagner de la taxe d’habitation ; d’autre part, les réévaluations des valeurs locatives cadastrales, qui constituent la base de calcul de cet impôt, et qui, dans certains cas, n’avaient pas été réactualisées depuis des décennies.
Pour de nombreux propriétaires, cette augmentation de la taxe foncière est perçue comme une charge nouvelle qui contrebalance les bénéfices de la suppression de la taxe d’habitation. Alors que la taxe foncière était autrefois relativement stable, elle devient aujourd’hui un fardeau financier de plus en plus lourd pour les ménages propriétaires.
De nouveau, cela concerne notamment les familles en zone urbaine et périurbaine, qui subissent à la fois la hausse des prix de l’immobilier et celle de la fiscalité foncière. En réalité, même si la taxe d’habitation est supprimée, les propriétaires se retrouvent avec une charge fiscale qui, pour beaucoup, semble équivalente voire supérieure à ce qu’ils payaient auparavant.
2. Les propositions alternatives : vers une “contribution citoyenne” ?
Face aux défis budgétaires, le gouvernement et les collectivités locales, seuls dans leur coin, explorent de nouvelles pistes pour garantir le financement des services publics sans réinstaurer la taxe d’habitation. L’une des idées avancées par l’Association des maires de France (AMF) et soutenue par certains responsables politiques est celle d’une “contribution citoyenne au service public“. Cette proposition consisterait à mettre en place une participation financière de tous les habitant·es, propriétaires et locataires, en échange de l’utilisation des infrastructures et services locaux.
Une autre idée en discussion est celle d’une participation aux “usages de la ville”, une contribution qui pourrait être appliquée à différents services urbains tels que le stationnement, les transports ou encore les espaces publics. En pratique, cette contribution viserait à inclure l’ensemble des résident·es dans le financement des équipements et des services collectifs, permettant aux collectivités de diversifier leurs sources de revenus.
Cependant, cette solution soulève des questions quant à l’équité fiscale et à la complexité de mise en œuvre. Alors que certains y voient une alternative juste et innovante, d’autres craignent une « taxe d’habitation déguisée » qui pourrait pénaliser les ménages les plus modestes et accroître les inégalités entre territoires.
3. Droits de mutation et frais de notaire : vers une hausse des coûts pour les acheteurs ?
Outre la taxe foncière, un autre levier financier est également en question : les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), couramment appelés “frais de notaire”, qui sont payés lors de chaque transaction immobilière. Ces droits, dont une partie revient aux départements, représentent une source de revenus majeure pour ces collectivités.
📌 Pour aller plus loin : Découvrez comment calculer les frais de notaire et comment les négocier
Cependant, avec le ralentissement du marché immobilier et la baisse du volume de transactions, les recettes des DMTO, “frais de notaire”, ont fortement diminué ces deux dernières années. En 2024, le total des recettes issues de ces droits a chuté de près d’un tiers par rapport à 2022, passant de 16,4 milliards d’euros à environ 10 milliards. Pour pallier cette perte, le gouvernement envisage d’augmenter le taux des droits de mutation, une mesure qui permettrait de renflouer les caisses des départements.
Une telle hausse des frais de notaire risque de pénaliser directement les acheteurs, déjà confrontés à des prix de l’immobilier élevés et à des conditions de crédit de plus en plus restrictives. De plus cette mesure impactera indirectement les propriétaires vendeurs, déjà assez sous injonction permanente de baisser les prix.
Si elle venait à être appliquée, cette augmentation des frais de notaire pourrait freiner davantage la stabilisation voire la reprise du marché immobilier, avec des effets potentiellement néfastes pour l’accès à la propriété, en particulier pour les primo-accédants et les ménages modestes. Indirectement, il y aura un arrêt net concernant les secundo-accédants qui reviennent sur le marché, depuis peu.
📌Ces différentes propositions et ajustements fiscaux montrent bien la complexité de la situation. Alors que l’État a supprimé la taxe d’habitation pour alléger la pression fiscale sur les ménages, d’autres impôts et contributions viennent aujourd’hui prendre le relais, laissant certains propriétaires avec un sentiment d’injustice. Dans un contexte de défi budgétaire pour les collectivités locales, il devient essentiel de trouver un équilibre entre justice fiscale et besoins de financement public, sans pour autant alourdir de façon excessive la charge sur les contribuables.
III. L’impact pour les propriétaires : qui va vraiment payer ?
1. Les propriétaires en première ligne : l’impact direct de la taxe foncière
Depuis la suppression de la taxe d’habitation, les propriétaires se retrouvent en première ligne face à la montée en puissance de la taxe foncière. Cet impôt local, dont les montants varient considérablement selon les communes, a connu une augmentation de près de 20 % en moyenne entre 2018 et 2023.
Cette hausse de la taxe foncière, comme nous l’avons vu, s’explique en grande partie par les réajustements de valeurs locatives cadastrales, mais aussi par les choix budgétaires des collectivités cherchant à compenser la disparition de la taxe d’habitation. Pour les propriétaires en zone urbaine, où la pression fiscale est souvent plus élevée, cette situation se traduit par un alourdissement significatif de leurs charges.
Face à cette situation, les propriétaires ressentent de manière croissante le poids de cet impôt local, particulièrement dans les zones urbaines et périurbaines où les services publics sont nombreux et coûteux. Les familles, souvent propriétaires de maisons ou d’appartements de grande taille pour répondre à leurs besoins, sont davantage touchées par cette inflation fiscale.
En effet, si l’objectif de justice fiscale visait principalement à alléger le fardeau des ménages modestes, ces hausses de la taxe foncière pénalisent de nombreux foyers, y compris des classes moyennes et modestes pour qui le logement constitue une part importante du budget.
Pour les locataires, les conséquences indirectes peuvent également être sensibles. Si les propriétaires de biens locatifs voient leurs charges fiscales augmenter, certains d’entre eux pourraient être tentés de répercuter cette hausse, partiellement ou totalement, dans les loyers. Dans un contexte de forte tension immobilière en zone urbaine, où même une bonne partie des propriétaires-bailleurs dans les zones tendues aux loyers encadrés se jouent de la réglementation, cela pourrait encore accroître les difficultés d’accès au logement pour les locataires.
2. Répercussions sur le marché immobilier : quelles décisions pour les acheteurs et vendeurs ?
La hausse de la taxe foncière et des frais de notaire pourrait avoir des effets de grande ampleur sur le marché immobilier, notamment en influençant la décision d’acheter ou de vendre un bien. Pour de nombreux acquéreurs potentiels, la perspective d’un alourdissement des frais annexes à l’achat – taxes et droits de mutation en tête – ajoute un frein à la concrétisation de leurs projets immobiliers. Dans un contexte de fluctuations des taux d’intérêt, malgré la baisse des derniers mois, ces coûts supplémentaires peuvent dissuader certains ménages de se lancer dans l’acquisition d’un bien, réduisant ainsi la demande sur le marché immobilier.
📌Si la suppression de la taxe d’habitation semblait initialement être une avancée vers la justice fiscale, l’augmentation de la taxe foncière et des frais annexes pose un nouveau défi pour les propriétaires. Cette situation reflète les tensions entre la volonté de préserver le pouvoir d’achat des ménages et la nécessité de financer les services locaux, soulignant l’importance de réformer la fiscalité locale pour qu’elle réponde mieux aux besoins des collectivités sans compromettre la justice fiscale.
Du côté des vendeurs, cette situation crée aussi de l’incertitude. Certains propriétaires, en particulier ceux qui souhaitent vendre pour acquérir un bien plus grand, plus petit, ou mieux situé, pourraient reporter leur projet face aux coûts associés et à l’érosion du pouvoir d’achat immobilier.
La baisse potentielle de la demande pourrait, à terme, peser réellement sur les prix de vente, ce qui a été brillamment évité ces deux dernières années avec une baisse relative dans certains secteurs, certes, mais sans dégringolade radicale des prix comme certaines prévisions l’annonçaient. En conséquence, le marché immobilier pourrait stopper le processus de stabilisation et entrer dans une nouvelle période de baisse des prix, mais aussi d’un ralentissement de la rotation des biens si nécessaire pour endiguer la crise du logement, ce qui entraverait, pour le coup, le dynamisme du secteur, cette fois-ci pas seulement dans les fantasmes des “experts des plateaux télé” mais également dans les faits.
📌Pour aller plus loin : Panorama des prix de l’immobilier en France en 2024 : 25 villes passées à la loupe
Les professionnels de l’immobilier, eux aussi, expriment leurs inquiétudes face à une augmentation des charges fiscales, notamment les frais de notaire : ils redoutent qu’une telle tendance limite la fluidité du marché et accentue les difficultés d’accès à la propriété, notamment pour les jeunes acheteurs et les familles modestes.
3. Les ménages modestes et la “justice fiscale” : un impact inégal
Les ménages les plus fragiles, qui accèdent parfois à la propriété avec des marges financières limitées, seraient ainsi confrontés à davantage de charges liées à leur bien. Dans les zones où la taxe foncière a fortement augmenté, cette situation pèse particulièrement sur les propriétaires aux revenus modestes, qui risquent de devoir faire des arbitrages financiers difficiles.
Pour les propriétaires âgés et les retraités aux revenus fixes, cette nouvelle donne est d’autant plus préoccupante qu’ils sont souvent plus vulnérables aux fluctuations fiscales et immobilières. La hausse des frais de notaire, en revanche, risque de dissuader certains acheteurs modestes, repoussant leur projet d’acquisition et accentuant ainsi les inégalités d’accès au logement.
Ces hausses fiscales posent donc la question de l’équilibre entre financement des collectivités et justice sociale. L’alourdissement des charges fiscales sur les propriétaires, dans un contexte où les services publics locaux, lorsqu’il y en a encore, dépendent fortement des impôts fonciers, reflète les limites actuelles de la fiscalité locale en termes d’équité.
Tandis que l’objectif initial était de rendre la fiscalité locale plus juste, l’augmentation des impôts fonciers et des frais de mutation risque de créer une nouvelle fracture entre les ménages, d’autant plus visible dans les zones urbaines et périurbaines où la pression fiscale est la plus forte.
IV. Alternatives envisagées et pistes pour l’avenir
1. Les pistes de réforme proposées par les élus locaux
Face aux défis posés par la suppression de la taxe d’habitation, de nombreux élus locaux appellent à une refonte complète de la fiscalité locale. Plusieurs pistes de réforme sont envisagées pour répondre aux besoins de financement des collectivités, tout en garantissant une répartition plus juste des charges.
L’une des propositions les plus débattues est l’instauration d’une nouvelle taxe basée sur les revenus plutôt que sur la valeur locative des logements. Cette approche, soutenue par des responsables comme Michel Fournier, président de l’Association des maires ruraux de France, permettrait de réduire les disparités territoriales et d’adapter la fiscalité locale aux capacités contributives réelles des ménages.
Un impôt basé sur les revenus pourrait aussi atténuer les inégalités entre les territoires urbains et ruraux, souvent amplifiées par des évaluations locatives inéquitables. En outre, cette taxe pourrait offrir aux collectivités une source de revenus plus prévisible et stable, limitant ainsi les fluctuations importantes que peuvent provoquer les crises immobilières sur les finances locales.
Par ailleurs, certains élus proposent un ajustement des dotations de l’État en fonction des spécificités locales. Plutôt que de distribuer les compensations de façon uniforme, les dotations pourraient être modulées pour mieux refléter les caractéristiques de chaque commune, comme sa superficie, sa densité de population, ou ses dépenses en services sociaux.
Une révision de la Dotation générale de fonctionnement (DGF) pourrait, par exemple, accorder davantage de moyens aux petites communes ou aux départements qui doivent gérer de vastes territoires à faible densité, ce qui engendre des coûts élevés pour maintenir des services publics de proximité de qualité, en train de disparaitre totalement des territoires.
2. L’hypothèse d’une nouvelle taxe ou d’une “participation locale”
Au-delà de ces propositions de réforme, certains élus et responsables politiques suggèrent l’introduction d’une “participation locale” qui pourrait impliquer l’ensemble des résident·es, y compris les locataires. Catherine Vautrin, ministre du Partenariat avec les territoires, a notamment évoqué l’idée d’une contribution financière pour les “usages de la ville”.
La participation financière pour les “usages de la ville”, qui pourrait prendre la forme d’une contribution fixe ou proportionnelle, aurait pour objectif de partager la charge fiscale entre les habitants de la commune, en incluant les locataires qui bénéficient eux aussi des services publics locaux (voirie, transports, infrastructures scolaires, etc.).
Cette hypothèse présente des avantages potentiels : elle permettrait de soulager les seul·es propriétaires en répartissant l’effort fiscal sur l’ensemble des usager·es des services locaux. Elle pourrait aussi responsabiliser davantage les citoyens quant aux coûts réels des infrastructures et services municipaux, renforçant ainsi leur lien avec la collectivité.
Cependant, l’instauration d’une participation locale soulève des questions de faisabilité et d’acceptabilité. En effet, de nombreux citoyens pourraient percevoir cette contribution comme une “taxe d’habitation déguisée”, surtout si elle n’est pas clairement définie et expliquée. La mise en place d’une telle mesure nécessiterait également une base de calcul équitable pour éviter de peser trop lourdement sur les ménages les plus modestes.
Les critiques de cette mesure pointent également le risque d’une inégalité géographique : les zones urbaines denses pourraient mieux supporter une telle contribution grâce à leur base d’habitant·es importante, tandis que les communes rurales, avec des populations plus réduites, pourraient peiner à générer des revenus suffisants pour répondre à leurs besoins budgétaires.
3. L’enjeu de la transparence et du dialogue avec les citoyens
Pour que ces réformes soient bien acceptées et efficaces, la transparence sur l’utilisation des fonds publics et un dialogue constant avec les citoyens sont essentiels. De nombreux élus locaux et associations, comme l’Association des maires de France (AMF), insistent sur l’importance de rendre clairs les besoins financiers des collectivités et les choix d’allocation budgétaire.
Dans un contexte de défiance grandissante envers la fiscalité et les dépenses publiques, et de défiance grandissante envers les autorités tout simplement, la transparence des dépenses est cruciale pour garantir l’adhésion des contribuables.
Informer les citoyen·es sur les coûts réels des services publics, en expliquant par exemple le prix des équipements municipaux, des infrastructures ou des services sociaux, pourrait faciliter leur compréhension des efforts fiscaux demandés. Mais cela ne serait pas suffisant.
Ce besoin de transparence se double d’un impératif de concertation : les réformes fiscales doivent être élaborées en étroite collaboration avec les habitant·es et leurs représentants locaux. La participation des citoyen·es aux décisions concernant les nouvelles contributions ou les ajustements de la fiscalité locale est un moyen d’avoir des propositions pertinentes, mais aussi la légitimité de ces réformes et de prévenir d’éventuelles tensions sociales.
Le dialogue entre l’État et les collectivités, mais aussi entre les élus locaux et leurs administré·es, s’annonce donc déterminant pour définir un modèle fiscal équilibré et juste, capable de financer les services publics tout en répondant aux attentes de justice fiscale et de pouvoir d’achat des ménages.
V. Effort fiscal de toutes et tous veut dire inclure ceux que le gouvernement veut épargner : les plus fortunés et les entreprises
Nous venons de faire le tour de la problématique de la fiscalité locale depuis la suppression de la taxe foncière mais aussi de différentes propositions actuellement en discussion entre le gouvernement et certains élus locaux. Nous pouvons constater l’absence d’une véritable représentation citoyenne qui ne peut se limiter à une simple délégation des pouvoirs aux élus locaux. Nous y reviendrons à la fin de cette analyse.
Le deuxième constat évident est l’absence criante et totale d’un effort demandé à deux entités : la classe la plus fortunée et les entreprises.
Concernant les premiers, c’est résiduel de la gouvernance macroniste. Avec l’entrée de la Droite au gouvernement Barnier, désormais sous tutelle de l’extrême droite, le principe selon lequel “il ne faut surtout pas appauvrir les plus riches” est le plus fort que jamais. Ainsi, nous n’avons toujours aucune mesure forte concernant, par exemple : les 3 millions de logements vacants en France ou bien une nouvelle taxe notamment sur les multi propriétaires-bailleurs, les grands gagnants de la période d’or immobilière et financière que nous venons de traverser.
Les entreprises, quant à elles, ne sont pas non plus appelées à la contribution. Bien qu’elles soient, directement et indirectement, les plus grandes consommatrices des infrastructures locales et services locaux, elles sont quasi totalement épargnées dans les discussions en cours.
La seule fois où une personnalité a avancé une telle possibilité, c’est Jean-Yves Mano, ancien sénateur socialiste et président de “l’Association nationale de consommateurs et usagers” (CLVC), qui a déclaré le 22 octobre dernier à FranceInfo qu’il faudrait “regarder de près, peut-être les entreprises, si oui ou non, elles profitent des équipements collectifs des collectivités locales ou de l’agglomération sans en payer la contrepartie” car “Remettre la charge aux habitants ne (lui) semble pas la solution d’avenir“ (l’article à voir ici).
Et en effet, au vu de l’état des finances publiques en général et locales en particulier, il est de bon sens de remettre tout le système à plat : arrêter non seulement à redistribuer des larges parties des caisses de l’Etat aux plus riches et aux entreprises mais aussi leur demander une contribution forte à la hauteur de leurs exploitations des biens communs.
Finalement, ça devrait être la piste la plus crédible à explorer : TOUT devrait peser sur les entreprises et les castes les plus fortunées, au lieu et à la place du capital qui pèse sur l’ensemble de la société, notamment sur les plus modestes, sans rien lui apporter.
Essentiel à retenir : Vers un nouveau modèle de fiscalité locale ?
La suppression de la taxe d’habitation, bien qu’accueillie positivement par de nombreux ménages, a laissé un vide financier qui pose des défis majeurs pour les collectivités locales. Privées de cette source de revenus historiquement importante, les communes et départements doivent désormais explorer d’autres moyens pour financer les services publics auxquels les citoyen·nes sont attachés.
Ce retrait de la taxe d’habitation ne se traduit pas par une véritable diminution de la pression fiscale pour les propriétaires, car de nouvelles charges émergent pour compenser cette perte : augmentation de la taxe foncière, possibilité d’une hausse des droits de mutation ou encore éventuelle mise en place de contributions locales.
Pour les contribuables, ces changements ont un goût amer : l’impression d’un impôt « déguisé » persiste, surtout lorsque les taxes foncières explosent ou qu’une « contribution citoyenne » est envisagée pour les services locaux. Du côté des élus locaux, la situation est également complexe.
Les compensations de l’État, bien qu’elles existent, sont souvent jugées insuffisantes ou inadaptées aux réalités des territoires. Ce contexte crée un climat de tensions, où les élus locaux réclament une fiscalité plus stable et adaptée, tandis que les citoyen·ns s’inquiètent de la persistance des charges financières qui pèsent sur eux sans outils adaptés pour exprimer les craintes mais aussi leurs positions.
Un nouveau modèle à construire : entre justice fiscale et autonomie des collectivités
La suppression de la taxe d’habitation, en plus de soulever des questions de financement, remet en cause le modèle fiscal des collectivités locales. Elle appelle à repenser de façon plus globale la répartition des charges entre l’État, les collectivités et les contribuables. Une réforme fiscale centrée sur l’équité, la justice sociale et l’autonomie des territoires semble donc plus nécessaire que jamais.
Cependant, les pistes évoquées, comme la création d’une taxe basée sur les revenus ou l’introduction d’une « participation citoyenne », montrent bien la volonté du gouvernement mais aussi les représentants des élus locaux de ne faire peser la fiscalité locale qu’aux seul·es citoyen·es, notamment les plus modestes, en épargnant totalement les plus fortunés et les Entreprises.
Avenir de la fiscalité locale au cœur des réformes à venir : Une opportunité pour se réapproprier les institutions
Alors que la taxe d’habitation semble désormais appartenir au passé, la question du financement durable des collectivités reste entière. Le chemin vers un nouveau modèle de fiscalité locale doit être rendu totalement public et pertinent. C’est la condition indispensable pour garantir une reforme de qualité et pertinente et sans touches aux finances des plus modestes.
La clé réside dans le dialogue entre l’État et les collectivités locales, mais aussi entre les élus locaux et les citoyen·nes, pour construire un modèle juste et transparent. Dans les semaines et mois à venir, les réformes de la fiscalité locale pourraient non seulement répondre aux enjeux financiers, mais également être un véritable tremplin pour inclure vraiment les citoyen·nes dans les discussions et les institutions, dont ils/elles sont exclu·es depuis trop longtemps.
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